Olivier Beaurain 21 février 2018

Depuis la crise de 2008 et pour tenir compte de la baisse durable de la demande, l’industrie française a dû adapter ses capacités de production à la baisse. Cela a permis à bon nombre d’entreprises de maintenir des marges positives à court-terme, au détriment d’une capacité à répondre à la demande en cas d’une évolution positive de celle-ci…

Or, la conjoncture semble maintenant plutôt porteuse. Alors comment les entreprises industrielles peuvent-elles se mettre en ordre de marche pour répondre à une demande plus importante ?

Dans un monde parfait, la gestion d’un plan industriel et commercial basé sur des prévisions fiables aurait permis d’anticiper cette évolution pour au final adapter les capacités machines et humaines en conséquence. La réalité est que de nombreuses entreprises sont devenues frileuses, elles n’ont donc pas procédé aux investissements qui auraient permis de répondre à la demande actuelle…

Comment alors répondre à une demande qui dépasse les capacités de production disponibles ?

Pas de solution miracle malheureusement ; on ne peut jouer que sur 2 paramètres :

– augmentation de la capacité à court-terme

– lissage de la demande.

Augmenter la capacité

Augmenter la capacité de production n’est pas si simple. Dans le cadre d’une industrie fortement automatisée, il est possible d’augmenter les temps d’ouverture machine jusqu’à 24 heures par jour. Néanmoins, il faudra également augmenter la capacité main d’œuvre pour piloter les équipements et assurer une maintenance optimale pour éviter les pannes qui risquent de devenir plus fréquentes en raison de la forte utilisation des équipements. C’est bien cette capacité humaine qui sera limitante, d’autant plus si la compétence nécessaire est élevée et nécessite une formation potentiellement très longue…

Il est aussi possible dans une certaine mesure de recourir à de la sous-traitance capacitaire, souvent à un coût supérieur aux opérations internes. Toutefois, cela passe par des accords avec des sous-traitants qui risquent d’être également fortement sollicités sur cette période…

Lisser la demande

Lisser la demande revient finalement à ne pas livrer les produits au client dans les délais souhaités par celui-ci. C’est une décision difficile à prendre mais elle doit faire l’objet d’un accord négocié avec les clients tout en privilégiant les clients stratégiques de l’entreprise, au moins dans un premier temps.

Il sera aussi nécessaire que le service commercial s’assure que les clients commandent la « juste quantité » de produits qui leur est nécessaire en évitant de surstocker au détriment des autres clients de l’entreprise.

Pour « limiter » les retards, il faudra également veiller à ne pas « surproduire » pour éviter de stocker des produits non commandés. La notion de « taille de lot économique » devra alors être revue au profit d’une taille de lot « contextuelle » (dans la mesure des possibilités réglementaires bien sûr).

Et après ?

La solution à court-terme sera en général un mix de ces 2 leviers mais il ne peut s’agir d’une solution pérenne. Pendant cette période, la communication vis-à-vis des salariés de l’entreprise et des clients devra être forte pour expliquer la situation actuelle et surtout expliquer les axes d’améliorations pérennes qui vont être mis en place par l’entreprise.

Ces améliorations passent notamment par une direction générale qui place la performance des processus Supply Chain au cœur de la stratégie de l’entreprise. En effet, ces processus permettent d’une part d’anticiper les besoins en capacités moyen/long terme pour répondre à l’évolution de la demande et d’autre part de fluidifier les opérations court-terme d’exécution.

En premier lieu, le processus S&OP (Plan Industriel et Commercial) devra bien être confirmé par la direction générale comme le processus permettant de valider les investissements capacitaires de l’entreprise, et il faudra que les dirigeants apprennent à faire confiance aux résultats de ce processus (bien que les prévisions ne soient pas une science exacte) pour décider de leurs investissements…

Le résultat du S&OP sera décliné au niveau opérationnel au travers des sous-processus de planification : MPS, MRP, CRP, Scheduling. Ces processus devront s’appuyer sur des paramètres de planification fiables donc revus régulièrement !

Pour éviter l’effet « coup de fouet » sur le système de production dû à la variabilité de la demande, une approche « DDMRP » permettra en complément de définir des « stocks de découplage » judicieusement positionnés (voir l’excellent article de mon collègue Morgan Cheucle à ce sujet).

L’efficacité des opérations de production devra également faire l’objet de plans d’actions dédiés pour accélérer les flux. Cela passe notamment par l’élimination des nombreux gaspillages en s’appuyant sur la philosophie et les techniques du « Lean Manufacturing ».

Il est également pertinent de développer la polyvalence des opérateurs pour garantir une plus grande flexibilité dans l’organisation des opérations de production. Dans la mesure du possible, des accords devront également être passés avec les représentants du personnel pour permettre une flexibilité accrue des horaires.

 

Pour conclure

Bien d’autres pistes sont à explorer en fonction du contexte de chaque société, mais il est important qu’une entité à part entière (ou à tout le moins un service dédié) soit la garante de la mise en œuvre et du suivi des plans d’action d’amélioration continue au sein des différents départements de l’entreprise.