Samia Sekkat 14 novembre 2016

La directive européenne Solvabilité 2 hante actuellement l’esprit des acteurs du monde de l’assurance et de la réassurance. En effet, son entrée en vigueur le 1er janvier 2016, constitue le changement le plus important qu’ait connu ce secteur depuis des dizaines d’années.

Cette directive, inspirée de la réforme Bâle II dans le secteur bancaire, vient combler les lacunes de la première directive Solvabilité I et modifie en profondeur le régime existant.

Elle a pour enjeux d’harmoniser et de soutenir le marché de l’assurance européen, en garantissant la solvabilité des assureurs à savoir leur aptitude à faire face à leurs engagements envers les assurés.

Ainsi la nouvelle directive s’est vue assigner des objectifs ambitieux :

  • Améliorer la protection des assurés
  • Inciter les entreprises à améliorer la connaissance et la gestion de leurs risques
  • Permettre aux autorités de contrôle de disposer d’outils adaptés pour évaluer la solvabilité globale des entreprises.

Afin d’harmoniser la mise en œuvre des exigences au niveau européen et de mieux appréhender les profils de risque des entreprises, la directive Solvabilité 2 s’articule autour de 3 piliers.

Le pilier I : Exigences quantitatives en fonds propres et provisions

Afin de donner une vision de la solvabilité des assureurs, l’EIOPA (European Insurance and Occupational Pensions Authority) a fixé des normes quantitatives sur les provisions techniques et les fonds propres et a mis en place deux indicateurs de solvabilité :

  • Le MCR (Minimum Capital Requirement) : niveau minimal de fonds propres que doit détenir l’organisme afin de ne pas menacer les intérêts des assurés. Ainsi, si les capitaux propres d’une entreprise deviennent inférieurs au MCR, l’autorité de contrôle interviendra automatiquement pour mettre en place un plan de redressement.
  • Le SCR (Solvency Capital Requirement): capital minimum dont l’assureur doit disposer pour absorber les pertes potentielles à horizon un an avec une probabilité de 99.5%

De nouvelles normes de calcul ont également été définies pour l’évaluation notamment des actifs et des passifs en valeur de marché.

Contrairement à Solvabilité I, qui ne retenait que le bilan comptable (la valeur des biens est comptabilisée à la valeur d’acquisition), Solvabilité II repose sur un bilan économique, qui tient compte de l’état du marché et des risques.

Par conséquent, les provisions techniques (qui représentent les engagements envers les assurés) sont évaluées de façon cohérente avec le marché : elles correspondent au montant d’actifs qu’un tiers exigerait pour reprendre les engagements de l’assureur (ce résultat correspond donc à une « valeur de transfert »).

Les provisions sont calculées comme la somme de :

  • Le « Best Estimate » : la meilleure estimation des flux futurs ;
  • Le « Risk Margin » : une marge de risque qui prend en compte les incertitudes du Best Estimate. Les actifs sont valorisés de façon cohérente avec le marché sous Solvabilité II.

Le schéma ci-dessous résume de façon très simplifiée les différences entre Solvabilité I et Solvabilité II :

Le pilier II : Exigences qualitatives et gouvernance des risques

L’EIOPA a mis en place un dispositif interne de maitrise des risques (ORSA – Own Risk and Solvency Assessment) auxquels peut être confronté un assureur pour qu’il puisse avoir une vision précise de l’état de sa solvabilité. L’autorité de contrôle aura désormais les pouvoirs de contrôler la qualité des données et des procédures d’estimation, et des systèmes mis en place pour mesurer et maitriser les risques.

Le pilier III : Communication financière et discipline de marché

L’EIOPA exige la transparence de l’information fournie par les assureurs afin de pouvoir la rendre publique et renforcer la discipline de marché. L’ensemble des acteurs européens doit publier les mêmes types de reporting, permettant une comparabilité simplifiée entre les acteurs.

Au-delà des contraintes imposées pouvant être un frein pour les assureurs, la directive Solvabilité 2 a néanmoins donné lieu à beaucoup de travaux pour la mise en conformité chez tous les acteurs.

Ainsi, dans le cadre du pilier III de la directive, ADVENTS a accompagné un des leaders mondiaux dans le monde de l’assurance dans le projet de développement d’une solution de reporting réglementaire groupe qui répond aux exigences européennes et locales des régulateurs.

En étroite collaboration avec notre client, nous avons entrepris des travaux de définition des informations nécessaires à la production des états réglementaires pour ensuite mettre en œuvre un processus de reporting depuis l’importation des données, à leur validation, et aux transferts des rapports au format demandé. Le développement d’une application servant de base de données s’est révélé nécessaire afin de centraliser les données et couvrir de manière exhaustive les besoins d’alimentation des rapports réglementaires pour chacune des entités du groupe.

Nous avons également effectué un exercice de reporting préparatoire afin de s’assurer que tous les écarts ont bien été identifiés et que le cas échéant, un plan de remédiation est bien mis en œuvre. De manière générale, les travaux entrepris ont été très importants. Nous nous sommes confrontés à des problématiques nouvelles notamment sur la récolte des données nécessaires à l’élaboration des états réglementaires, car celles-ci devaient répondre à des critères qui n’étaient pas pris en compte auparavant dans les systèmes d’informations.

Le principal challenge pour notre client consistait à mettre en place une gestion efficace de la qualité des données via une infrastructure flexible et dynamique.

Ce qu’il faut en retenir : les effets pervers et bénéfiques tirés de notre expérience terrain

Ainsi, souvent critiquée sur son approche trop rigide et perçue comme étant imposée aux assureurs pour éviter les dérapages dont a souffert le monde de la banque, Solvabilité 2 s’avère un réel atout pour les assureurs qui considèrent cette échéance comme une opportunité pour une revue globale du dispositif du management des risques et de qualité des données notamment.