Caroline de Seze 14 avril 2021

Cet article vise à comprendre la notion d’agilité à l’échelle, avant de voir comment la mettre en place dans son organisation.

 

Non cet article ne concerne pas que les sapeurs-pompiers ou les acrobates. Rassurez-vous !

Il est pour vous, qui travaillez déjà en agile avec plusieurs équipes, et qui avez du mal à les coordonner. Vous pensez peut-être que c’est impossible de mettre un service ou une organisation entièrement en agile. Le pari est de taille !

Plusieurs entreprises ont déjà franchi le pas, telles que Saab dans l’aéronautique, la DSI d’AXA (périmètre de 2000 personnes) ou la Société Générale.

Cet article vise à comprendre la notion d’agilité à l’échelle, avant de voir comment la mettre en place dans son organisation. Dans le jargon, on parle d’Agile@Scale.

 

L’agilité à l’échelle en 3 points

 

Le but de l’agilité à l’échelle est d’offrir un cadre pour déployer largement les méthodes agiles qui se cantonnent souvent au niveau des équipes. C’est une réponse aux entreprises qui souhaitent coordonner plusieurs équipes agiles à l’échelle d’un service ou d’une organisation.

Voici une présentation qui va à l’essentiel.

 

     Qu’est-ce que l’agilité à l’échelle ?

A la différence de l’agilité, théorisée en 2001 dans un manifeste, l’agilité à l’échelle n’a pas de marque de fabrique unique ni de manifeste. Elle est en effet proposée par plusieurs cadres de travail théorisés (« framework ») qui sont porteurs de différentes philosophies.

Pour aller plus loin: Passez en mode agile sur tout type de projets ! (logiciels ou non) 

 

     Les 4 frameworks (=cadre de travail) les plus connus

Théorisés par des experts de l’agilité, ces frameworks d’agilité à l’échelle font référence. Voici un mot de présentation pour chacun d’eux :

  • SAFe (Scaled Agile Framework): repose sur la notion de programme et de portefeuille. Ce framework est très complet, il permet de découper le portefeuille en plusieurs briques, et de faire communiquer ces briques entre elles. Il y a une forte architecture globale. SAFe recommande la mise en place d’un backlog (receuil des besoins) sur la stratégie d’entreprise. Il s’appuie donc fortement sur l’implication du top management. Et chaque chantier connexe doit être aligné sur ces axes stratégiques. Le référentiel SAFe est très complet. Si cela en rassure certains, d’autres critiquent sa lourdeur. Aussi certains lui préfèrent la méthode Spotify.
  • Spotify : n’est pas un framework à proprement parler, il s’agit davantage d’un recueil de bonnes pratiques (issu de l’entreprise du même nom). L’unité de base de Spotify sont les « squads », c’est-à-dire des équipes pluridisciplinaires ayant un objectif long terme. Ces objectifs long terme sont mis en cohérence à l’échelle de l’entreprise, puis chaque squad est autonome pour mettre en place des objectifs moyen terme. Cette autonomie dépend de l’adhésion de chaque squad à l’objectif global. L’alignement des objectifs (moyens et longs termes) est indispensable et repose sur un leader.
  • Less (Large Scale Scrum) et Nexus : sont les seuls frameworks qui s’appuient sur la méthode Scrum (Pour en savoir plus sur la méthode Scrum : Introduction aux méthodes agiles – Advents).
    • Le cadre fixé par le référentiel Nexus est minimal. Son objectif est de délivrer une meilleure valeur ajoutée plus vite, et non seulement de délivrer plus vite. Il s’agit vraiment de la méthode Scrum à l’échelle.
    • Le référentiel Less va plus loin que Nexus. Son objectif est d’accroître la capacité d’adaptation. Les besoins du marché et la valeur perçue par les clients sont durs à prévoir. Alors les projets doivent être peu onéreux et simples, de manière à pouvoir s’adapter à l’évolution du marché, de la demande. Le maître mot est l’adaptation. Le framework Less réduit la complexité en adoptant une approche pas à pas.

 

     Quel modèle pour quelle culture d’entreprise ?

A chaque culture d’entreprise peut correspondre un modèle d’agilité à l’échelle. William Schneider, consultant et chercheur en psychologie, a travaillé sur les cultures d’entreprise. Il classe les cultures d’entreprise selon leur valeur centrale. La matrice ci-dessous découle de son ouvrage “The reengeneering alternative” et récapitule les différents types de cultures d’entreprise. Sa matrice est enrichie en ajoutant la correspondance avec le framework d’Agilité à l’échelle le plus proche de chaque culture d’entreprise.

 

 

Nous disions que chaque framework porte un état d’esprit, qui peut se rapprocher de la culture d’entreprise. Adapter le choix de son framework à sa culture d’entreprise permet d’éviter de grandes résistances culturelles et de bénéficier d’effets de levier.

Voici des pistes pour orienter son choix de modèle :

  • SAFE est très documenté, et convient à une entreprise qui valorise la notion de contrôle et une approche pragmatique, orientée processus.
  • Spotify repose sur la force de la culture d’entreprise et de la vision. Les questions d’autonomie, de développement des compétences, de maîtrise de l’égo sont importantes. En plus de cet aspect humain essentiel, Spotify est aussi centré sur la technique et l’innovation.
  • La méthode Nexus est orientée processus. C’est un framework très épuré et ouvert. Il ouvre beaucoup de possibilités d’adaptation (plus que SAFE notamment).
  • LeSS va plus loin que Nexus en mettant la co-création avec les utilisateurs au centre. La collaboration est une valeur centrale.

 

Les mains dans le cambouis : la mise en place de l’agilité à l’échelle

 

     Une mise en place lourde

Il ne faut pas sous-estimer les difficultés de mise en place. Les débuts sont particulièrement lourds car il s’agit véritablement de changer la mentalité des équipes. Prenons l’exemple des réunions.

Théoriquement, il y a plus de réunions dans le cadre de la méthode SAFE. Elles sont nombreuses car plus courtes : le but est de synchroniser les avancées. Plus la réunion est courte, plus il faut être exigent, cela requiert rigueur et discipline. Sans cela, les stand-up meeting de 15 minutes risquent de se transformer en demi-matinées gâchées.

Mettre en place un framework nécessite une grande discipline collective. C’est un vrai défi.

 

      Le défi de la coordination inter-équipes

La coordination inter-équipe est le nerf de la guerre. Même quand plusieurs équipes ont déjà adopté un mode de fonctionnement agile, la coordination de ces équipes est complexe. Le global n’avance pas si les équipes ne parviennent pas à se coordonner, au niveau des dates et des durées de sprint par exemple.

Le travail d’acculturation est un des principaux chantiers lors de la mise en place d’un référentiel d’agilité à l’échelle. Il arrive que des entreprises mettent en place les instances d’un framework, sans changer de mentalité. Adopter la lourdeur du cadre sans le changement d’état d’esprit est une double peine !

La forte collaboration est en effet un pilier de l’agilité à l’échelle. La proximité est importante, et elle est mise à mal quand les équipes sont dispersées. Les frameworks sont pensés dans le cadre d’une proximité géographique. Gérer la distance en plus de la mise en place du cadre de travail agile est un défi supplémentaire.

 

Conclusion

 

L’agilité à l’échelle fait suite à la déferlante des méthodes agiles en entreprise. S’il existe plusieurs frameworks, la logique est commune : l’adaptation. Le but est bien d’en comprendre l’esprit, et savoir l’appliquer à son entreprise en prenant les libertés nécessaires.

Adopter une nouvelle manière de travailler, l’agilité à l’échelle, repose sur deux piliers : d’abord l’adhésion des équipes, ensuite sur une réflexion de fond sur le rôle et la manière de manager. Voilà un chantier de fond prometteur !