Gautier Dupleix, François Giroux 16 juillet 2020

Pour faire suite au précédent article valorisant les technologies dans le secteur du transport logistique, nous allons dans cet article traiter des technologies utilisées lors de la réception et des contrôles qualité qui s’en suivent.

Les technologies dans les processus de réception et contrôles qualité

Pour aborder le sujet, il est nécessaire de savoir ce qu’est le service de réception de commandes. Ce processus, situé entre le transport et l’entreposage, correspond au point de transfert de propriété entre un fournisseur et un client. Lors de cette étape, le réceptionnaire va s’assurer aléatoirement ou pas de la conformité de la marchandise avant de l’intégrer dans les stocks de l’entreprise.

La réception de marchandises peut se faire chez l’industriel, en entrepôt ou en centre de rupture de charge.

Dans une idée d’amélioration continue, les entreprises recherchent toujours comment améliorer ses processus et rendre le travail moins pénible possible pour ses employés.

Les problématiques rencontrées aujourd’hui

Le secteur de la réception de marchandises est lui aussi soumis à quelques problématiques :

  • Le regroupement de camions devant un site est dangereux et le flux tendu de livraisons ne tolère pas les dysfonctionnements (retards).
  • Les temps de déchargement n’apportent aucune valeur ajoutée et prennent aux employés beaucoup de temps et d’énergie.
  • Le réceptionnaire traite une quantité importante de documents et de produits, ce qui accroît le risque d’erreurs. De plus, certaines de ces opérations sont rébarbatives.
  • La vérification de l’adéquation entre la commande et la réception est une part importante du métier
  • Il n’est pas possible de fabriquer un produit de qualité à partir de pièces défectueuses. Le management de la qualité des matières entrantes est donc d’un enjeu capital puisqu’il s’agit de livrer ensuite des produits conformes.

Il existe beaucoup d’autres problématiques lors de la réception et du contrôle qualité et nous proposons ici de faire un état des lieux des technologies récentes ou futures qui vont améliorer le travail du réceptionnaire et du contrôleur qualité.

Des outils pour gérer le flux de transporteurs à l’entrée des sites

Lorsqu’un chauffeur arrive sur un site de stockage ou production, il passe par un poste de garde qui lui indique le quai de déchargement. Dans un monde qui devient de plus en plus digitalisé, l’avenir se porte vers les bornes d’accueil automatisées et connectées. En s’identifiant, le poste connecté indique en retour au chauffeur s’il doit patienter, à quelle heure il peut rentrer sur le site et à quel quai il doit aller.

Le chauffeur a plusieurs documents à présenter à la borne :

  • Documents du conducteur : permis de conduire, carte conducteur, justificatif d’activité…
  • Documents concernant la marchandise : lettre de voiture, facture commerciale, bons de livraison, documents douaniers, certificats d’accompagnement sanitaire…

Ces bornes permettent de s’assurer que le camion est bien piloté par la bonne personne, elles offrent un meilleur traçage des allers et venues dans le site et elles permettent également d’optimiser les passages lorsqu’un chauffeur est en avance et qu’il peut bénéficier d’un créneau libre un peu plus tôt, ce qui désengorge et fluidifie l’entrée du site.

Enfin, ces bornes permettent d’échanger dans plusieurs langues auprès de transporteurs venant d’un peu partout en Europe.

 

Des déchargements moins fatigants

Les temps de déchargement de camions sont une problématique intéressante pour les industriels. La manutention de produits du camion au quai de déchargement n’apporte pas de valeur ajoutée et prend aux employés responsables beaucoup de temps et d’énergie.

Pour optimiser ces déchargements, il existe plusieurs systèmes :

  • Des systèmes de plancher mobile: les camions et les quais de déchargement sont équipés de courroies de convoyage. Lorsque le camion est en phase avec le quai de déchargement adéquat, le plancher mobile peut s’activer et sort les marchandises automatiquement vers le quai.
  • Les convoyeurs : La plupart des entreprises optent davantage pour des systèmes moins chers mais plus facilement déplaçables comme les convoyeurs. Il existe un convoyeur pour chaque utilisation : convoyeur télescopique ou extensible, convoyeur à rouleaux libres, convoyeur à bande, convoyeur à chaîne, convoyeur sauterelle…
  • Les chariots autonomes ou AGV: Pour décharger un camion sans intervention humaine, il est également possible de faire appel aux véhicules à guidage automatique. Ces solutions sont aujourd’hui vendues par des prestataires logistiques reconnus tels que FM Logistic et Jungheinrich.
  • Les exosquelettes: Si une manutention nécessite l’intervention humaine, alors l’employé peut utiliser des transpalettes électriques ou des gerbeurs. S’il doit porter un colis de lui-même, il peut utiliser des solutions exosquelettes pour éviter l’apparition de troubles musculosquelettiques (TMS). Ces systèmes visent à apporter une assistance physique à ceux qui les emploient.
  • Grues de déchargement partiellement ou entièrement automatisées: Pour le déchargement des conteneurs maritimes, des grues automatiques peuvent reconnaitre des containers et les décharger à l’endroit paramétré. Parfois, les containers sont même déposés sur des véhicules autonomes pour être acheminés vers leur lieu de stockage final.
  • Gants connectés aux ponts roulants : Traditionnellement, pour déplacer un pont roulant, il faut se munir d’une télécommande filaire et encombrante. La société ALPA a développé une technologie COMHAND qui se présente sous forme de bracelet. Le pont roulant se déplace selon les mouvements de la main de l’opérateur portant le bracelet.

Des contrôles documentaires digitalisés

Lors du dernier article, nous avons parlé de la blockchain pour le transport. Pour le réceptionnaire, elle est très utile puisqu’elle lui permet de disposer d’informations de :

  • Traçabilité : chaque transaction inscrite dans la blockchain est authentifiée et inaltérable.
  • Transfert d’actifs : le changement de propriétaire est sauvegardé de façon permanente.
  • Gestion : grâce aux smart contracts, on peut mettre en application des règles de gestion complexes[1]

Finalement, grâce à la technologie blockchain, une entreprise peut avoir :

  • Tout l’historique d’un produit en particulier à sa réception
  • Par où et chez qui il est passé : fournisseur, grossiste, assembleur…
  • Dans quelles conditions : température, pression, temps de transport, environnementales…
  • Ses dates de mouvement
  • Il n’y a plus de mystère et cela permet une totale transparence entre les acteurs d’un réseau logistique.

 

Lorsqu’une commande est réceptionnée, elle est souvent accompagnée d’un bon de livraison à signer. Certaines entreprises sont passées aux bons de livraisons digitaux qui ont plusieurs avantages :

  • Gain de temps : les bons sont sauvegardés immédiatement et centralisés.
  • Meilleure relation client : le livreur consacre plus de temps à sa relation avec le réceptionnaire puisqu’il vient de gagner du temps sur la signature du bon de livraison.
  • Exactitude des données : la correction d’informations peut se faire en temps réel. Si une livraison est incomplète ou abîmée, le livreur peut le notifier directement à l’entreprise.
  • Proactivité : en cas d’article manquant ou défectueux, le service à la clientèle en est directement informé.
  • Gain économique : limitation de la consommation inutile de papier, d’encre et d’énergie.
  • Gain de place : un bon de livraison vaut juridiquement comme une lettre commerciale et doit donc être conservée pendant 6 ans. La digitalisation permet de gagner de la place.

[1] Exemple prélevé du site Expériences.Microsoft (https://experiences.microsoft.fr/business/cloud-infra-business/blockchain-perspectives) : « Si, dans la blockchain, nous avons inscrit un smart contract alimenté par des capteurs, qui stipule que le lait doit être transporté à une température inférieure à 15°C et que nous identifions que, dans un maillon de la chaîne, la température a dépassé les 20°C, alors le smart contract va automatiquement stopper la réception de la commande et potentiellement appliquer des pénalités. »

Un comptage plus efficace

Lorsque la marchandise est déchargée sur le quai, il faut souvent la contrôler avant de la stocker. Une des premières opérations est le comptage des produits d’une commande. On retrouve plusieurs solutions :

  • Codes à barres: Aujourd’hui, le système le plus connu est la traditionnelle douchette pour effectuer la lecture optique de codes à barres pour le contrôle des entrées et sorties de marchandises.

 

  • Gants connectés : dans certaines entreprises, certains opérateurs disposent de gants connectés. Ces gants, équipés d’un scanner et de capteurs de mouvement, permettent de scanner un article facilement en appuyant sur un bouton placé dans la paume de la main.
  • Technologie RFID : d’autres technologies permettent de compter plus facilement les produits comme les puces RFID. En faisant passer les articles reçus dans un portique lecteur RFID ou devant des lecteurs RFID, on sait exactement ce que l’on reçoit : le type d’articles, la quantité et quelques informations (temps de transport, date de fabrication, péremption, fournisseur, température…). Les tags bluetooth permettent de le faire également.

Des opérations automatiques et moins chronophages

Une activité du réceptionnaire consiste à renseigner des données dans un système d’information, selon les articles réceptionnés. Ces opérations à faible valeur ajoutée sont rébarbatives et prennent un temps précieux aux opérateurs. C’est la raison pour laquelle les entreprises se tournent aujourd’hui vers l’automatisation (complète ou partielle) de ces tâches grâce à la RPA (Robotic Process Automation).

Les solutions de RPA permettent de façon très intuitive de développer un « robot logiciel » en codant/modélisant le processus à automatiser. Une fois cela fait, le robot pourra être lancé ou programmé pour exécuter un processus à tout moment.

Selon ce que l’on souhaite, le robot peut capturer et manipuler des données, effectuer des calculs, déclencher des réponses, communiquer avec d’autres systèmes ou effectuer des transactions informatiques.

Le robot agit selon les instructions reçues mais il est possible de le rendre intelligent en le combinant à l’intelligence artificielle. Grâce à des méthodes d’apprentissage automatique (Machine Learning et Deep Learning), le robot peut alors apprendre à imiter des perceptions, déductions, actions et décisions sans intervention humaine.

Des contrôles essentiels et rigoureux

Les industriels ont un engagement envers leurs clients : il leur faut livrer des produits d’une qualité satisfaisante. Pour cela, les processus de fabrication doivent être efficaces mais il faut également s’assurer que les produits sont conformes. Cela passe par les contrôles qualité pouvant avoir lieu dès l’approvisionnement.

Le degré de tolérance varie selon les secteurs. Dans l’industrie du pharmaceutique ou de l’agroalimentaire par exemple, il n’y a pas de place pour l’incertitude puisque les conséquences peuvent être dramatiques. Les contrôles sont donc capitaux dans une chaine de fabrication ou d’approvisionnement. Plusieurs technologies récentes permettent de mieux contrôler :

  • La réalité augmentée est de plus en plus utilisée dans les usines. Grâce aux Google Glass par exemple, il est possible d’avoir accès à des données en direct (numéro de série, destination, provenance, propriétés…).
  • En ce qui concerne le contrôle d’un article, les usines privilégient au maximum les contrôles non destructifs. Certains procédés, plus récents que la mesure tridimensionnelle, sont aujourd’hui largement utilisés comme les contrôles par tomographie. Un scan tomographique ne déforme pas les pièces mais permet des mesures fiables sur toutes les surfaces et dans tous les angles ce que ne permet une machine de mesure de coordonnées puisque le palpeur ne peut pas avoir accès à toutes les zones. La tomographie permet de digitaliser une pièce et de la comparer avec sa cible. Elle permet de déterminer d’autres propriétés d’un produit : sa porosité, l’orientation des fibres du matériau, l’épaisseur des parois…
  • Une des dernières ruptures technologiques est l’intelligence artificielle et il est possible d’en profiter dans le cadre des contrôles qualité, notamment par analyse d’images. L’intelligence artificielle permet à un système d’apprendre à quoi ressemble une pièce sans défaut ce qui lui permet également d’auto-apprendre de potentiels nouveaux défauts.
  • Bien entendu, l’Intelligence Artificielle se nourrit de données de masse. Il faut donc, pour alimenter les algorithmes, des données provenant de capteurs classiques ou IoT (interconnexion entre objets connectés).

Demain : le futur du réceptionnaire et du contrôleur qualité

Il y a fort à parier que les métiers du réceptionnaire et du contrôleur qualité vont continuer à évoluer :

  • Les tâches réalisées par ces deux métiers vont être de plus en plus automatisés grâce à l’intervention de machines, robots, cobots et robots logiciels (RPA).
  • L’intelligence artificielle va se démocratiser chez tous les industriels : Tractica indique que l’intelligence artificielle devrait générer près de 89,8 milliards d’euros d’ici 2025 contre seulement 4,8 en 2017.
  • La gestion documentaire et la traçabilité des produits va se renforcer par l’utilisation de la blockchain et de l’IoT : selon GSMA Intelligence, le nombre total d’objets connectés atteindra 25 milliards en 2025 contre 6,3 milliards en 2016.
  • Les contrôles vont être améliorés par la réalité augmentée
  • La collecte de millions de données va permettre le développement de l’analytique et l’avènement d’encore bien d’autres technologies…

Conclusion

Comme le métier du transport, le métier du réceptionnaire a déjà évolué et la transformation reste en marche. Le but de ces évolutions technologiques n’est pas de s’affranchir de l’intervention humaine mais elles permettent de faciliter les manutentions et d’apporter une aide intelligente aux employés. Le prochain et dernier article traitera des innovations récentes ou futures concernant l’entreposage (rangement, inventaires et préparation à la production).

 

Bibliographie / recherche documentaire

https://experiences.microsoft.fr/business/cloud-infra-business/blockchain-perspectives/

https://www.ionos.fr/startupguide/gestion/creer-un-bon-de-livraison-quest-ce-quun-bon-de-livraison/

Digitalisation des commandes clients : quels impacts pour la supply chain ?

https://blog.objectiflune.com/ameliorer-service-a-la-clientele-grace-bons-de-livraison-digitaux/

https://www.voxlog.fr/reportage/8/fm-logistic-lautomatisation-au-service-de-lentrepot-du-futur

https://www.fmlogistic.com/fre-fr/Medias/Actualites/INNOVATIONS-EN-AUTOMATISATION-FM-LOGISTIC-MET-LE-CAP-SUR-L-ENTREPOT-DU-FUTUR

https://www.jungheinrich.fr/systemes-logistiques/systeme-transport-sans-cariste/nos-chariots-automatis%C3%A9s

https://www.fmlogistic.com/fre-fr/Medias/Actualites/INNOVATIONS-EN-AUTOMATISATION-FM-LOGISTIC-MET-LE-CAP-SUR-L-ENTREPOT-DU-FUTUR

https://www.neolution-sas.com/guide/quel-convoyeur-pour-optimiser-le-chargement-ou-dechargement-de-camions/

https://www.iau-idf.fr/fileadmin/DataStorage/user_upload/Rapport_IAU_PREDIM_Robomob_log_20180515.pdf

https://www.usinenouvelle.com/article/avec-les-robots-du-port-de-rotterdam.N345781

https://www.usinenouvelle.com/article/chez-bmw-des-gants-connectes-pour-gagner-quelques-secondes.N781764

La technologie à portée de main chez Alpa.

RECONNAISSANCE DE DOMMAGES SUR DES PNEUS D’AVION

https://www.journaldunet.com/economie/industrie/1209388-les-laboratoires-de-controle-qualite-a-l-heure-du-digital/

https://www.digitalcorner-wavestone.com/2019/03/tour-dhorizon-du-marche-de-lintelligence-artificielle/

https://vipress.net/marche-mondial-de-liot-1100-milliards-de-dollars-et-252-milliards-de-connexions-en-2025/#:~:text=March%C3%A9%20mondial%20de%20l’IoT,connexions%20en%202025%20%2D%20VIPress.net

https://www.zdnet.fr/pratique/qu-est-ce-que-le-rpa-4-points-pour-bien-comprendre-l-automatisation-des-processus-metier-39873151.htm

https://medium.com/datagenius/rpa-intelligence-artificielle-le-duo-gagnant-414db5b338e8https://fr.wikipedia.org/wiki/Reconnaissance_optique_de_caract%C3%A8res